Elsa CAUDRON Campagne publicitaire de l'ONG WFA, sensibilisation à l'adoption animale, janvier 2017

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Title
Elsa CAUDRON Campagne publicitaire de l'ONG WFA, sensibilisation à l'adoption animale, janvier 2017
Description
Cette affiche publicitaire est une campagne de sensibilisation, commandée en janvier 2017 par l’organisation non-gouvernementale « World For All Animal Care and Adoptions » (WFA) à l’agence McCANN Worldgroup. La photographie a été prise par Amol Jadhav, avec l'aide de Pranav Bhide, directeur artistique.
La WFA souhaite inciter les habitants de Mumbai à adopter un animal de compagnie.
A comme étudiant
Elsa CAUDRON
A comme question
1 - Justification du caractère trompeur de l'image
2 - Analyse syntaxique
3 - Analyse sémantique
4 - Analyse pragmatique
5 - Pourquoi et en quoi cette image est-elle trompeuse ?
6 - Raisons de ce choix
7 - Conclusion
8 - Bilan
A comme réponse
1 - - D’une part, cette image s’avère empreinte d’une tromperie puisqu’elle repose sur une illusion d’optique, rapidement comprise par l’observateur. Ainsi, deux images sont présentes en une : celle d’une famille, et la représentation d’un chien. Le site FotoForensics révèle, en blanc, les parties retouchées pour créer l’illusion parfaite du chien. Par conséquent, la perception visuelle du récepteur est rendue confuse. Si l’observateur peut toujours isoler les deux éléments, il ne peut plus ignorer cette ambivalence à partir du moment où il en prend conscience. Faites l’expérience de troubler votre vue : seul le chien apparaîtra ! Néanmoins, vous savez qu’il s’agit d’un effet visuel. Telle la révélation du secret d’un tour de magie, la perception consciente de l’illusion d’optique présente un caractère irréversible.

La forme du chien est subordonnée à la disposition des protagonistes, sans lesquels le mammifère ne serait plus reconnaissable. Le photographe emprunte ici à l’image du « Vase Ambigu », conçue par le psychologue et philosophe Edgar John Rubin en 1915. Cette création associe une figure, qui se détache visuellement, et un fond, dans le but de déterminer si l’observateur s’attarde sur des détails ou conserve une vision globale, en fonction du premier élément qu’il aura identifié. De cette manière, il est possible que certains d’entre vous aient vu l’animal avant les trois personnages. Le chien, en remplissant « l’espace négatif », devient le cœur du sujet de l’image.

- D’autre part, dans une moindre mesure, la tromperie de cette image réside dans le fait que l’observateur puisse d’abord penser que cette campagne de sensibilisation concerne l’adoption d’un enfant, plutôt que d’un animal. De fait, cette interprétation erronée résulte de la mise en scène de ces jeunes parents fascinés par leur enfant, ainsi que de la visibilité accrue du mot « ADOPT » par rapport à « pet » (terme non transparent, donc dénué de sens pour les personnes non-anglophones).
2 - A/ Signes plastiques
Cette affiche publicitaire, reconnaissable par la présence d’un logo en bas à droite, prend la forme d’une photographie en deux dimensions, avec une orientation « portrait ». Les dimensions originales sont de 640 pixels en largeur, sur 905 pixels en hauteur. Le format de l’image et sa texture nette – légèrement granuleuse en zoomant – suggèrent qu’elle ait été prise à l’aide d’un appareil photo professionnel.
Le photographe, situé à moins d’un mètre des trois personnages positionnés de profil, privilégie un cadrage resserré. En effet, l’homme fait l’objet d’un plan buste et la femme – face à lui – est représentée en plan taille, bien que la partie basse de son corps soit dissimulée par la tête du bébé. La prise de vue à hauteur des yeux contribue à la naturalisation de la représentation. Précisons que les adultes adoptent un regard en plongée, tandis que le nourrisson use de la contre-plongée.
La composition visuelle est originale étant donné que les éléments picturaux sont organisés autour d’un centre blanc et vide. La superposition de teintes grises, déclinées jusqu’au noir, estompe les contours externes de l’image. Une lumière froide émane de sous le bébé et éclaire les visages des protagonistes.
Le regard de l’observateur se porte successivement sur chacun des visages, soit dans un sens de lecture descendant (de la femme vers le bébé), soit ascendant, avant de se poser sur l’élément beige en bas à droite. Outre les éléments graphiques linéaires, dans le coin inférieur droit, l’image ne présente que des formes courbes. Des diagonales structurantes se dessinent en filigrane.

B/ Signes iconiques
L’image est dépourvue d’effet de perspective mais peut tout de même se décomposer en trois plans.
A peine en retrait, la femme occupe l’espace gauche. Ses longs cheveux bruns détachés entourent son visage et se posent sur ses épaules. Elle est vêtue d’un haut sans manche, à la texture froissée. Située au-dessus des deux autres protagonistes, elle sourit en contemplant le nouveau-né.
Puis, à droite se trouve un homme, dont on distingue les cheveux bruns courts et bouclés. A l’instar de la femme, il semble âgé d’une petite trentaine d’années. L’individu porte une écharpe épaisse et regarde le bébé qu’il tient. Sa bouche entrouverte suggère qu’il soit en train de parler.
Au premier-plan, un bébé de quelques mois, au sexe non-identifiable, est allongé face à l’homme, sur ses jambes. Ses yeux vifs grands ouverts se posent sur l’adulte et il semble s’étonner ou balbutier. En bas à droite, un encadré rectangulaire comporte du texte ainsi que le dessin d’un pas humain et un sentier d’empreintes animales, dont la patte d’un chien.

C/ Signes linguistiques (langue anglaise)
Une police classique et sobre indique en lettres majuscules noires et beiges « Monde pour tous », « Il y a toujours de la place pour plus d’adoptions ». Est ajoutée la phrase suivante, en minuscules et alignée à gauche : « Rendez-vous à l’Adoptathon animalier le 21 janvier 2017, à l’université de Sydenham, Mumbai ». Le lien du site Internet de « World For All » a aussi été placé en-dessous de l’encadré.
3 - A/ Les relations entre les personnages peuvent être déduites des éléments perçus. Ainsi, l’hypothèse la plus plausible est celle d’un couple hétérosexuel venant d’accueillir un enfant. Celui-ci semble presque sortir du ventre de sa mère, pour être présenté pour la première fois à son père. L’enfant unit ses parents, qui regardent tous deux dans sa direction et, en se faisant face, deviennent symétriques, complémentaires. L’image peut évoquer les portraits de famille pris après une naissance ou encore les représentations chrétiennes de la Sainte-Famille. La lumière semble provenir de l’enfant, connotant la vie, le renouveau, la pureté ou encore le savoir. La photographie, en associant le signe à son objet par une relation de ressemblance, est une puissante icône.
Les signes linguistiques font référence à Mumbai ou Bombay, capitale de l’Inde, laissant croire que la femme porte en fait un foulard, vêtement (stéréo)typique de la culture indienne dans l’imaginaire occidental. Toutefois, l’apparence physique des protagonistes ne permet pas d’inférer leur origine. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’une famille nucléaire est mise en scène, déjouant ainsi le stéréotype occidental de la structure familiale indienne, qui ne pourrait être qu’élargie.

B/ Une atmosphère rassurante se dégage des divers interprétants symboliques. L’ambiance se veut intimiste, plongeant l’observateur au cœur du cocon familial. D’abord, le recours aux teintes neutres et l’emploi d’un ton sur ton lient les éléments et créent une unité. Qui plus est, les textures évoquent la fluidité (cheveux et vêtements du protagoniste féminin), la douceur (peau du bébé) et la chaleur (écharpe). Puis, la rondeur des pommettes de la mère, ainsi que les membres potelés de sa progéniture, donnent l’impression d’une bonne santé et d’une alimentation saine. De plus, les regards sont bienveillants, honnêtes et emplis de complicité. Enfin, les postures des personnages accentuent le côté apaisant de l’image. La mère surplombe sa famille, l’enveloppe et la protège des dangers et maux extérieurs. Le père s’apparente à l’allégorie de la stabilité et de la fiabilité : assis, il soutient l’enfant, calmement allongé.

C/ L’affiche, par un jeu d’ombres et de lumières digne d’un clair-obscur (qualisigne), dessine le contour d’un chien assis, au museau allongé. La texture des cheveux de la femme permet de parfaire l’illusion d’optique (cf. V) Une image trompeuse) jusqu’à rappeler le doux pelage de l’animal. Ses oreilles dressées, sa gueule entrouverte et son regard orienté vers le coin supérieur gauche de l’image, rendent l’animal dynamique. Traversé par la diagonale structurant l’image et placé au centre, il devient – une fois identifié – le cœur de l’attention de l’observateur. La mise en scène peut laisser penser que le père conte une histoire dont le héros, un chien, émerveillerait et fascinerait son enfant. Une autre interprétation serait d’associer l’animal à une louve, incarnée métaphoriquement par la mère de famille. Celle-ci veillerait sur sa « meute », en projetant son instinct de protection sur son mari et, surtout, sa progéniture. Cependant, il demeure plus vraisemblable que le photographe ait voulu représenter un chien puisque l’affiche fait référence à l’adoption d’animaux. Le dessin de la patte de chien, en bas à droite, conforte cette supposition, en s’apparentant à une métonymie renvoyant au chien.
4 - A/ Cette affiche publicitaire constitue une campagne de sensibilisation, incitant les habitants de Mumbai à adopter un animal de compagnie. Deux autres photographies ont été réalisées sur le même thème. Les signes linguistiques (« pet », littéralement « animal ») et graphiques réduisent la polysémie de l’image et rendent le message limpide.
L’espace restant entre les protagonistes symbolise l’idée qu’il ne manque plus qu’un compagnon à quatre pattes pour que leur famille soit au complet. Sur l’image analysée, les adultes semblent d’ailleurs parfaitement en capacité d’adopter un animal puisqu’ils viennent d’agrandir leur foyer et débordent d’amour à transmettre. L’hindouisme, religion dominante à Mumbai, associe le chien à un animal sacré, gardien de l’enfer et du paradis. Dans la culture occidentale, le chien est fréquemment comparé au meilleur ami de l’homme et incarne la fidélité, la protection et le courage. Si les interprétations peuvent varier entre sociétés, cette affiche conserve une portée universelle.

B/ La campagne met en lumière de profonds défis actuels en Inde, et notamment à Mumbai. De fait, l’affiche utilise le mode impératif pour interpeller l’observateur et l’inviter à se rendre à l’événement « Adoptathon », néologisme issu de la contraction des termes « adoption » et « marathon », course de quarante-deux kilomètres. Le 21 janvier 2017, l’ONG WFA a convaincu quarante-deux familles d’adopter un animal. Il s’agit d’une réussite notable puisque la capitale indienne est confrontée depuis plusieurs années à la multiplication des chiens errants, dont le nombre est désormais estimé à soixante-deux millions. Or, ces animaux sont souvent atteints de la rage qu’ils transmettent, par morsure, aux habitants de Mumbai. Vingt-mille personnes décèdent chaque année de la rage en Inde. Par conséquent, les chiens errants posent un véritable problème d’ordre public (sécurité, salubrité et santé publiques). Cette situation n’est pas le propre des pays sous-développés ou émergents. Par exemple, en Polynésie française et à Mayotte, les chiens errants attaquent, parfois mortellement, les habitants et touristes.

C/ Le thème de l’adoption animale dépasse les frontières de l’Inde. La campagne étudiée insiste sur le côté très humain de l’adoption, au sein d’un foyer chaleureux. Lors de l’Adoptathon, la WFA a veillé à enseigner aux familles la façon de traiter les animaux avec amour, respect et bienveillance. En France, divers canaux de diffusion – tels que les campagnes de la Société Protectrice des Animaux ou émissions télévisées – sont employés pour inciter à l’adoption d’un animal. Cependant, un point de vigilance est souvent attiré sur le fait que l’adoption ne doive pas se solder par un abandon, comportement récurrent dans notre société occidentale consumériste. Cette problématique n’est pas abordée par la WFA ici.
Ces campagnes de sensibilisation accompagnent les politiques publiques, dont la mise en œuvre est complexe. En France, depuis 2015, les animaux ne sont plus considérés comme des objets mais « des êtres vivants doués de sensibilité » (article 515-14 du Code civil). Pourtant, la loi autorise l’acquisition monétisée d’un animal. Depuis deux ans, tout individu souhaitant acheter ou adopter un animal doit signer un certificat d’engagement et de connaissance. Le sujet n’est pas clos, puisque le député Éric Pauget a déposé le 7 novembre 2023 une proposition de loi de lutte contre l’achat impulsif d’animaux.
5 -
6 - - Tout d’abord, j’ai choisi ce support visuel pour son aspect trompeur, résultant de la composition visuelle. Il m’a paru pertinent de sélectionner une photographie trompeuse, quand bien même elle ne recourait qu’à peu de retouches et aucune image de synthèse. Cette photographie relève, à mon sens, d’une véritable œuvre d’art, propice à une riche analyse sémiotique.
- Qui plus est, je voulais étudier un support plus réaliste et iconique qu’une illustration ou un dessin caricatural qui – par un procédé de simplification de la représentation ou de détournement – instaurent une certaine distance avec le sujet évoqué. Personnellement, je demeure plus réceptive à la photographie, capable d’encapsuler la réalité presque sans retouche.
- Au-delà de la forme, j’ai fait le choix de cette image parce qu’elle incite à l’adoption animale, cause à laquelle je suis particulièrement sensible. Par ailleurs, la temporalité m’a paru opportune puisque, à l’approche de Noël, de nombreux animaux sont « offerts » comme cadeaux, avant d’être abandonnés lors des départs en vacances estivaux. J’ai donc tenu à sensibiliser mes lecteurs à ce propos.
- En outre, l’événement mentionné sur l’affiche (« Adoptathon ») a récemment connu un nouveau souffle après une période sanitaire troublée. Ainsi, les 9 et 10 décembre derniers, le même rendez-vous a été organisé à Mumbai pour faciliter l’adoption d’animaux.
7 - Par un véritable travail artistique d'agencement des éléments et de structuration de la composition visuelle, cette photographie crée une illusion d'optique de qualité, rendant l'image "trompeuse". Les jeux de textures et de nuances de teintes ajoutent au réalisme pictural et créent un effet rhétorique percutant. La mise en scène d'un cocon familial chaleureux et aimant dégage une atmosphère douce et rassurante. Les protagonistes deviennent les métaphores et allégories de la protection, bienveillance et stabilité.
Le message de l'ONG WFA est limpide pour l'observateur : il ne manque plus qu'un animal de compagnie pour que cette famille soit complète et pleinement épanouie. Des symboliques culturelles - indiennes et occidentales - peuvent être associées à la figure du chien.
Cette campagne publicitaire s'inscrit dans un contexte d'actualité. En effet, elle renvoie implicitement au problème d'ordre public lié aux millions de chiens errants en Inde. Par ailleurs, le sujet de l'adoption animale résonne dans l'esprit de l'observateur français. Ce dernier est habitué aux campagnes de sensibilisation analogues et assiste aux fréquentes évolutions normatives relatives à la protection des animaux en France.
8 - À travers le module polytechnique "L'interprétation des images dans le monde médiatique d'aujourd'hui : du signe au sens"", j'ai pu me familiariser avec les concepts et auteurs de l'analyse sémiotique. J'ai ainsi appris à décrire et interpréter une photographie sur les plans syntaxique, sémantique et pragmatique. Ce travail rigoureux m'a permis d'approfondir mon étude de supports visuels variés et de mieux contextualiser les photographies.
De surcroît, je suis parvenue à m'imprégner de la richesse des interprétations, propres à chaque individu et normes socio-culturelles. J'ai particulièrement apprécié comparer mon analyse avec celles de mes camarades étudiants (première évaluation).
En outre, ce module a été le moyen de développer mon sens critique en décelant les aspects trompeurs de certaines images (seconde évaluation).
Enfin, grâce à ce partenariat avec l'université canadienne de Laval, j'ai eu l'opportunité de découvrir une autre formule d'apprentissage.
Date Created
15/12/2023 02:42:33
Identifier
1138 3413 15/12/2023 02:42:3