Iannis De Simon Global Sharking

Item

Title
Iannis De Simon Global Sharking
Description
Deux requins nageant dans un centre commercial inondé qui s'interrogent sur le réchauffement climatique.
A comme étudiant
Iannis De Simon
A comme question
1 - Justification du caractère trompeur de l'image
2 - Analyse syntaxique
3 - Analyse sémantique
4 - Analyse pragmatique
5 - Pourquoi et en quoi cette image est-elle trompeuse ?
6 - Raisons de ce choix
7 - Conclusion
8 - Bilan
A comme réponse
1 - Les requins ont été ajoutés à l'image initial via un montage photoshop.
2 - Ainsi, comme évoqué, il s’agit pour ce texte visuel d’une photographie à laquelle a été ajoutée deux textes qui s’inscrivent dans l’esthétique des bandes dessinées. Au premier plan, quatre rampes d’escalator sont visibles et desservent un large espace inondé à hauteur d’une dizaine ou d’une vingtaine de centimètres. Au centre de la salle, deux requins, assez grands – entre deux et trois mètres de long, nagent. L’eau semble trouble en dépit des multiples lumières qui l’éclairent et qui créent de très nombreux reflets, parmi lesquels se devinent entre autres des écrans et des devantures de boutique. Elle pourrait même être qualifiée de sale, voire plus précisément de boueuse, bien qu’elle ne charrie ni déchets, ni débris, ni éléments particuliers.
Les couleurs présentes dans l’image rejoignent la tendance sombre de l’eau : du gris, du marron, des tons verdâtres, du noir. D’autant que celles-ci sont à peine rehaussés par les lueurs bleutées ou blanchâtres.
En ce qui concerne les bulles, ou phylactères, elles forment ensemble un bref échange entre les deux requins – seules vies dans le cadre, portant sur le climat, et en particulier sur la situation d’urgence climatique actuelle. La langue est française et comme le veut le système occidental auquel elle appartient, le sens de lecture se fait de gauche à droite, ce qui est confirmé par le trait d’humour qui ne se comprendrait pas s’il était lu dans l’autre sens.
Le cadrage de la photo quant à lui est centré sur les deux animaux, dont l’un, celui de droite, est néanmoins coupé juste derrière les nageoires pelviennes. Et en conjuguant la contre plongée de l’objectif et la proximité avec les faits capturés, on peut supposer que le photographe se tient au milieu d’un des escalators, en panne de toute évidence – les systèmes électriques faisant rarement bon ménage avec l’eau, surtout lorsqu’elle est aussi abondante. À noter d’ailleurs qu’au vu de la basse qualité d’image, notamment le faible nombre de pixels, il est probable que ce soit un amateur armé de son téléphone – un passant témoin des événements, qui soit derrière cette prise.
3 - Pour en revenir plus en détails sur les éléments linguistiques, il y a d’un côté une question posée dans un registre assez familier, comme en témoigne l’abréviation du « tu y » en « t’y ». Et de l’autre une réponse, sans grande surprise, constituée d’une première phrase exclamative et d’une seconde, laissée en suspens par la présence de trois petits points. L’interaction a tout l’air de prendre place entre deux ami.es, en tout cas deux êtres – les requins étant ainsi personnifiés par la parole en êtres humains, suffisamment proches l’un de l’autre pour aborder des questions sensibles et y répondre avec franchise sans crainte du jugement.
La blague en elle-même met en perspective la photographie avec un contexte mondial récent divisé entre des opinions sceptiques et d’autres convaincues sur la question climatique. En effet, même si les voix s’élèvent à ce sujet depuis les années 1990 (premier rapport du GIEC fondé dans le cadre du G7 en 1988), elles ne sont pas encore largement entendues en 2023. Un des exemples les plus flagrants étant les prises de position de l’ancien président états-unien Donald Trump qui ne cesse de prôner la réalité des hivers rudes pour contrer la possibilité d’un réchauffement climatique, voire d’évoquer un mensonge instigué par le gouvernement chinois pour freiner la croissance économique des États-unis. Le doute, l’indifférence et parfois le mépris des uns envers le réchauffement de la planète sont ainsi caricaturés par une réponse sarcastique en lien avec un autre sujet souvent réutilisé par les humoristes – la théorie platiste. En l’occurrence, malgré la pesanteur des nombreuses preuves scientifiques apportées pour démontrer que la Terre était une sphère, un sondage de 2018 annonce qu’aux États-unis (pour rester au même endroit) 16% des jeunes de 18 à 24 ans ont des doutes sur la véracité de ce fait, et 2% parmi eux sont persuadés qu’elle est plate. Ce qui est d’ailleurs très intéressant à préciser dans le cadre de cette analyse, c’est que les platistes critiquent toutes les images prises de la planète depuis l’espace en clamant que ce sont des montages réalisés pour manipuler les populations.
La teneur même de ce trait d’humour où l’un des personnages agit comme si personne encore n’avait parlé de la rondeur de la Terre rappelle que le réchauffement climatique est en réalité pointé du doigt depuis bien plus longtemps encore que les rapports du GIEC. En 1896, il y a plus d’un siècle, un chercheur suédois – Svante Arrhenius, estimait que la généralisation des centrales à charbon pouvait induire un réchauffement global de la planète (néanmoins il trouvait l’idée positive car elle aurait pu permettre selon lui de favoriser les territoires jusque là prisonniers du froid). En 1956, c’était un article du New York Times qui alertait contre l’augmentation des émissions carbones et leurs effets durables sur l’environnement. Preuves que certaines consciences sont en vérité alertées depuis plus longtemps qu’on ne le pense.
Quel lien à présent entre cette blague et la scène capturée : ces requins nageant dans ce qui pourrait être un centre commercial ou un aéroport ? Deux conséquences du réchauffement climatique sont ici rappelées. La première : l’augmentation du nombre d’inondations dans les pays d’ores et déjà touchés ainsi que la violence de celles-ci, et le risque accru de voir ce genre de catastrophe se produire ailleurs dans des zones jusque là épargnées. Le second : la montée du niveau des eaux partout sur le globe qui engloutirait totalement les Pays-Bas et réduirait le Japon à quelques pics – reste de la cime de ses monts et de ses volcans ; qui défigurerait de nombreux littoraux (celui de la France, du Portugal, de l’Inde, du Chili, et on en passe) ; qui pousserait, plus dramatique, des centaines de millions de personnes sur les routes, obligées d’abandonner leur foyer. L’horizon ici dépeint, aussi apocalyptique paraisse-t-il, est un des scénarios annoncés pour les années 2050 s’il n’y a aucune réaction de l’Humanité : ce qui nous en sépare d’à peine quelques décennies en somme.
4 - En d’autres lieux, il est bon de noter que, malgré une photographie initialement amatrice, la textualité qui est lui par la suite ajoutée nous laisse supposer des intentions claires et clairement politiques. Possiblement un internaute qui aurait posté sa création sur tel ou tel réseau social pour espérer une réaction à plus grande échelle (choquer, émouvoir, énerver) et être le moteur d’une sensibilisation du plus grand nombre à une question qui lui est chère. En ce sens, on observe les réseaux sociaux devenir la nouvelle plateforme des dénonciations (violences et abus en tout genre), des débats et des interviews des personnalités politiques, des reportages sur le terrain et des rappels sur l’Histoire. Il n’est plus question de monter sur une estrade en place publique mais de s’adresser, potentiellement, au monde entier.
Dans la continuité du qui et de ce qu’iel avait à l’esprit, il est important de se pencher à ce stade sur ces fameux requins et sur leur légitimité à se trouver là. Les textes ne sont peut-être pas la seule modification de cette image. En revenant sur la hauteur d’eau que suppose les éléments évoqués plus tôt (escalator ou percée de la lumière à travers l’eau), on se demande si deux requins, d’autant plus vu leur envergure, auraient réellement pu se mouvoir dans une profondeur aussi faibles. Qui plus est, comment se seraient-ils retrouvés là sans être blessés ou pire, tués, par le tumulte de l’inondation. La plupart des animaux retrouvés après une inondation ne sont pas dans leur meilleure forme, à part les oiseaux. Sans plus de données, le doute demeure donc.
Il est également pertinent de s’intéresser à la dimension humoristique choisie par le créateur du texte visuel. Il existe plusieurs façons d’aborder un sujet, quel qu’il soit, on peut le montrer crûment à travers une image comme celle-ci, on peut en débattre sur un plateau télé, on peut en faire un programme à mettre en place en tant qu’acteurice politique, etc. Le ton peut être cynique, sérieux, tragique, comique, alarmiste, défaitiste, etc. Dans notre cas, l’humour peut être vu comme une manière à la fois douce et force de traiter la question climatique. Pourquoi un tel paradoxe ? Doux car la blague renfrogne moins les récepteurs de l’information que la leçon de morale : il est plus facile d’amener quelqu’un à discuter par l’humour plutôt que par le sermon. Et en même temps, l’énergie du message reste forte car une blague peut, par la dérision, exposer de manière concise une situation, sans détour, sans politesse, sans pudeur, sans « chichis ».
5 -
6 - La possibilité d'en faire un texte visuel humoristique et la portée politique que cela lui rajoutait.
7 - Pour conclure, l’intérêt de cette analyse et de la photographie à sa source était de pointer le potentiel pouvoir sur les esprits d’une association, assez rudimentaire dans sa réalisation, entre une photo, un montage et une blague. Souligner le fait de réussir à dénoncer une problématique mondiale en peu de moyens et montrer qu’il n’est pas nécessaire de déployer le grand jeu pour obtenir un fort impact sur son public.
L’objectif était également de rappeler que chaque image circulant sur le net peut porter une ou plusieurs modifications qui ne soupçonnent pas au premier regard mais qui témoignent d’une intention précise voire d’une coloration militante et politique. Rappelons alors le scepticisme – la doctrine et non le terme actualisé, des Grecs qui prônait l’impossibilité à atteindre une vérité générale et par extension la remise en cause de chaque chose qui nous entoure. Il faut croire à ce titre que les platistes ont bien compris l’idée.
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Date Created
14/12/2023 17:01:21
Identifier
1058 3419 14/12/2023 17:01:2